Développement durable en Afrique & Satellites - page 20

L
a transmission intercontinentale des cultures africaines s’est
opérée de façon douloureuse, via le développement de la traite
négrière à destination des Amériques. Dès le XVI
è
siècle, la coloni-
sation hispanique et portugaise du Nouveau Monde stimula
l’économie de plantation et l’exploitation minière, induisant le
recours systématique à l’esclavage et l’afflux massif d’une main-
d’œuvre d’origine subsaharienne, en provenance
du Golfe de Guinée. Quand les Amérindiens
disparurent ou firent défaut, les autorités alliées
aux compagnies négrières les remplacèrent par
des esclaves noirs qui vécurent dans des condi-
tions encore pires que les autochtones, dans la
mesure où ils disposaient encore moins d’un ap-
pareil juridique censé les "protéger".
Si l’esclavage ne fut officiellement aboli qu’en
1886 à Cuba (colonie espagnole jusqu’en 1898) et en
1888 auBrésil, qui importa à lui seul 3millions d’es-
claves, cette intolérable réalité eut toutefois pour
conséquence involontaire un enrichissement hu-
main et culturel considérable : aussi bien dans la
Caraïbe qu’au Brésil, un métissage fécond se déve-
loppa au cours des siècles, jusqu’à faire de ces
contrées un riche creuset aux expressions mul-
tiples. On y recense aujourd’hui des religions syn-
crétiques d’origine africaine, parfois en plein essor :
la santería, appelée aussi Regla de Ocha à Cuba,
aux racines yoruba ; le palomonte ; le candomblé
brésilien, le vaudou haïtien... Les langues offi-
cielles sont émaillées de centaines demots d'origine
africaine ; quant aux traditions orales (contes,
récits, légendes), elles se transmettent au fil des générations, ali-
mentant au passage la littérature, les arts et tout un imaginaire créa-
tif et puissant qui n’était pas le seul apanage des descendants d’Afri-
cains : avec le lait de leurs nourrices esclaves, les enfants blancs
des riches familles coloniales se nourrissaient de contes, de modes
de pensée et de sensibilités différentes. Il s’opérait une profonde
acculturation, bien souvent à l’insu de tous les protagonistes.
La culture africaine a eu un impact indéniable dans la libéra-
tion des peuples déportés lors de la colonisation. C’est particu-
lièrement le cas de la musique, utilisée comme une arme effi-
cace contre la ségrégation raciale. L’histoire du jazz recoupe celle
de l’esclavage aux Etats-Unis et scande également les luttes
pour l’émancipation des Afro-américains. Diffusé et apprécié
dans le monde entier, il a popularisé la
cause des opprimés.
Dans un contexte politique différent,
les divers styles musicaux du Brésil ont
été marqués par les musiques de plu-
sieurs zones du continent africain. La
samba et la capoeira tirent leur origine de
musiques d’Angola. Les styles du Nor-
deste sont une fusion de musiques portu-
gaises et africaines, en particulier yoruba :
le maracatu, originaire de Recife, et la
choro, forme de blues.
Le Pérou, du fait de son histoire faite
d’esclavage, de travaux forcés dans les
plantations et les mines, est devenu à tra-
vers les siècles un univers de danses et de
musiques, à l’édification duquel ont contri-
bué toutes les entités culturelles du pays.
Les danses et les musiques créoles y sont
présentes dans toutes les régions et les
Noirs ont créé des instruments de mu-
sique participant du patrimoine national.
L’aire caraïbe porte une des empreintes
les plus fortes de l’héritage africain, en
matière musicale notamment : à travers les rythmes et l’instru-
mentation venus du Nigéria, du Bénin ou du Congo, la rumba, le
son, le cha cha cha ou encore la guaracha renvoient aux héri-
tages et aux traditions, tout comme les paroles des chansons et
les références aux cultes africains.
c
P.L.N
Le musicien Louis Armstrong (1901-1971), ici
au Steel Pier d’ Atlantic City, fut le premier
Afro-Américain à participer à une émission
de radio nationale dans les années 1930.
© John Loengard//Time Life Pictures/Getty Images
Adepte du candomblé à Salvador da Bahia (Brésil). Le candomblé est une religion afro-brésilienne pratiquée
principalement au Brésil par le "povo do santo" (les gens du saint). Elle tire ses origines des prêtres africains
transplantés en Amérique durant la traite négrière.
© J.Coles
Mémorial de la maison des esclaves dans l’île
de Gorée, Sénégal.
© Laurent Givernaud
De l’Afrique à l’Amérique
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