Développement durable en Afrique & Satellites - page 22

siècle. Ceux-ci ont été les premiers à
reconnaître au travers d’un esthétisme
déroutant les valeurs humanistes des
populations du sud du Sahara, à admirer la
puissance d’abstraction de cet art, et ont
trouvé là une stimulation pour mieux
dépasser l’approche naturaliste.
Le croisement des cultures
Cette contribution pourrait aujourd’hui
être plus importante qu’hier si l’Afrique ne
connaissait pas des problèmes pour entretenir
sa culture. “Que de savoirs endogènes igno-
rés et conservés par des individus sous le
sceau du secret ! Que d’expériences d’organi-
sation humaine peu thématisées ! Que de
témoignages et d’expressions artistiques ori-
ginales, fruits des créations ‘inculturées’ qui
font l’objet de négligences coupables ! Nos
contemporains, parce qu’ils baignent dans
des milieux de bouillonnement culturel et de
foisonnement des créativités en tout genre,
vivent dans un état de quasi banalisation de
toutes ces réalités, estiment que tout cela va
de soi… : pourquoi conserver les croisettes de
cuivre, les tapis en raphia ou les statuettes en
bois ?N’y a-t-il pas toujours des artistes et des
artisans pour en fabriquer"? Cette négligence
est le fait des individus et des gouvernements,
si l’on ne peut mettre au compte de la guerre
les ponctions, vols et pillages récents des
Cette statue Bamiléké de taille humaine (bois, tissus, cauries
et petites perles) faisait partie du mobilier personnel du roi
Wembe, du Royaune Bana, à l’ouest du Cameroun. Elle n’a
aucune fonction religieuse ou rituelle, mais uniquement
symbolique (pouvoir). Collection particulière James Carlès.
© J.D Dallet/Suds-Concepts
Freddy Tsimba est né en 1967 à Kinshasa où il obtient son diplôme en arts visuels puis se spécialise
dans la sculpture monumentale. Pour cette œuvre, il a utilisé des douilles de balles qu’il a recueillies
pendant plus de dix années de guerre dans son Congo natal.
© Freddy Tsimba, droits réservés
éléments de notre patrimoine. Il est plus que
temps de procéder à un inventaire exhaustif de
tous les éléments du patrimoine culturel des
pays d’Afrique qui devraient être sauvegardés,
valorisés et diffusés.
A l’orée du deuxième millénaire qui, chez
certains, génère craintes et doutes sur
l’avenir de l’humanité et la coexistence har-
monieuse des cultures – la notion de déclin
de l’Occident formulée par O. Spengler en
1918 refait surface –, le recours des artistes
occidentaux aux arts anciens africains
montre que le croisement des cultures et la
confrontation d’expressions artistiques di-
verses restent un des plus sûrs moyens de
renouvellement et de richesse. Aussi, pou-
vons-nous conclure avec Louis Michel (dé-
puté européen) que “chaque peuple a un
message qui lui est propre à délivrer au
monde. Chaque peuple, chaque être hu-
main a, de par sa culture, son identité posi-
tive, les moyens d’apporter à l’humanité le
génie de son imagination et de sa créativi-
té”. Les Africains, dont la personnalité
culturelle a été six siècles durant déstruc-
turée par la traite négrière et la colonisa-
tion, ne peuvent pas perdre confiance en
eux comme acteurs de leur histoire. Cheikh
Anta Diop convie l’Africain à la réappropria-
tion de son histoire dix fois millénaire “pour
fertiliser notre imaginaire, nous introduire
dans une société de confiance d’où émerge
le développement…”.
c
Pascal Luzala Ngasiala
Institut National des Arts, Kinshasa
République démocratique du Congo
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