U
n ministre de l’Éducation peut-il décider de faire démolir
une école au nom du respect de "l’esprit des lieux"
(
Genius loci
), cette croyance que certains lieux ont un esprit
particulier ? Oui, a répondu à la fin des années 90 le ministre de
l’Éduction du Bénin. Située dans l’un des quartiers historiques de
la ville de Porto-Novo (Lokossa), l’école en question avait pourtant
été construite récemment mais sur la place du quartier, que les
habitants souhaitaient libérer.
Cet espace était en effet réservé depuis la nuit des temps aux
fêtes traditionnelles, mariages, baptêmes, deuils, etc. Par
ailleurs, le site jouxtait le grand marché de la ville dont il devenait,
les joursd’affluence, uneextensionappréciée. Avec laconstruction
de l’école, l’amenuisement de la place avait provoqué un casse-
tête pour la gestion des fêtes communautaires dans ce quartier
et, dans le même temps, le marché et son animation constituaient
un handicap pour l’école. Sa démolition fut un acte symbolique
fort que n’aurait osé imaginer aucun ministre de la République si
ceci n’avait été massivement voulu par les populations…
Rassurez-vous, l’école a été reconstruite ailleurs.
De tels exemples d’aménagement qui désorganisent la vie
sociale et détruisent les lieux de croyances ou d’identité sont légion
en Afrique. Très souvent d’ailleurs, les populations développent
une résistance sourde, sorte de force d’inertie qu’on aurait tort
de prendre uniquement comme refus du progrès ou de la
résistance primaire au changement.
c
«
J’ai lassé la patience des missionnaires
Insulté les bienfaiteurs de l’humanité (…)
L’étendue de ma perversité me confond !
»
Aimé Césaire
(Cahier d’un retour au pays natal)
Alain Godonou, Bénin
Directeur, Division des programmes thématiques pour la
diversité, le développement et le dialogue. UNESCO
Genius loci
, l’esprit des lieux
Retour du marché,
École d’art au village de Poto-Poto (Brazzaville, République du Congo). L’école de peinture de Poto-Poto est née de l’atelier du peintre français
Pierre Lods, créé en 1951. Son enseignement libéral, combiné au respect des cultures africaines traditionnelles, a créé une nouvelle forme d’art. Pierre Lods a
ouvert son atelier aux enfants… et une nouvelle École d’art au village est née.
© Sébastien Cailleux/EDAAV
112 - Développement Durable en Afrique & Satellites
