S
itué à la lisière du Sahara, l’espace
oasien marocain est, sur le plan biocli-
matique, un espace semi-aride carac-
térisé par des précipitations très irrégulières
d’une année à l’autre (souvent inférieures à
200 mm par an) et par un caractère continen-
tal marqué. Cette situation lui confère des
caractéristiques physiques particulières :
pauvreté des sols et aridité du climat ; fortes
influences sahariennes avec érosion éolienne,
vents de sable, sécheresse et désertification ;
insuffisance des ressources hydriques sou-
terraines, faiblesse des nappes phréatiques
et intense évaporation.
La situation des oasis du Sud marocain est
aujourd’hui préoccupante. Elle préfigure une
accélération des effets de la désertification et
des changements climatiques avec la dégra-
dation, puis la perte et enfin l’abandon d’oasis
entiers. Des oasis dont le rôle social, écolo-
gique et aussi économique sont majeurs pour
l’équilibre régional, notamment du fait qu’ils
forment une barrière végétale et microclima-
tique naturelle contre l’avancée du désert.
Cette détérioration sévère du patrimoine
oasien est engagée depuis quelques années,
du fait d’une exploitation fortement irration-
nelle de la ressource en eau. Ressource qui,
au moment où elle se raréfiait naturelle-
ment avec le cycle de la sécheresse, s’est
trouvée de plus en plus sollicitée par des po-
pulations en pleine croissance et des pra-
tiques culturales totalement inadaptées.
Ce problème oasienmajeur est conditionné
en amont par des systèmes hydro-agricoles
dont la durabilité est aujourd’hui en danger. La
disparition progressive des conditions favo-
rables à l’exploitation agricole des oasis a en-
traîné la baisse régulière de leur source de
revenu pour toute une partie de la population.
Elle a impacté leur mode de vie provoquant
une paupérisation aujourd’hui devenue très
problématique pour la majorité des sociétés
oasiennes les plus méridionales. Au Maroc par
exemple, des centaines de milliers de familles
sont aujourd’hui concernées et la tendance est
malheureusement à la hausse. Cette situation
a été aggravée par un mouvement de migra-
tion dont les transferts financiers constituent,
dans la plupart des cas, les seuls revenus pour
la population restée sur place.
Le Royaume du Maroc a effectué des
études approfondies sur les oasis dans le
cadre de la Stratégie d’Aménagement et de
Développement des Oasis au Maroc, lancée
par la Direction de l’Aménagement du Terri-
toire, qui assure, notamment, l’exécution du
Programme Oasis Tafilalet (POT) en parte-
nariat avec le PNUD. Dans ce contexte, la
double tâche de produire un livre sur les
Oasis et de réaliser un écomusée dans le Ta-
filalet (sud-est du Maroc) a été confiée à
IPOGEA (Centre de Recherches sur les
Connaissances Locales et Traditionnelles).
Dans le cadre de la réalisation de l’éco-
musée, ont été identifiées – grâce aux cartes
satellitaires – les galeries souterraines de
captage (khettara) qui fournissaient les oasis
en eau. De plus, les techniques tradition-
nelles de gestion de l’eau et des ressources
ont été classifiées à travers un système
iconographique informatique (SITTI) développé
pour le compte de l’UNESCO. Ces galeries
souterraines, difficiles à identifier sur l’im-
mense zone désertique, sont bien visibles
sur les cartes satellitaires grâce aux puits
creusés pour la ventilation de ces galeries.
Il est ainsi possible d’identifier les anciens
établissements oasiens disparus et/ou de les
ramener à la vie à travers la restauration des
galeries. Les oasis témoignent de l’ingéniosité
humaine pour gérer des ressources dans les
zones arides et constituent un exemple de
développement durable pour la planète
entière. C’est pourquoi nous lançons un appel
mondial et proposons une alliance au sein des
pays arabes pour leur protection.
c
Amine Ahlafi
Architecte et consultant-expert local
IPOGEA, Maroc
Même dans des milieux peu propices à la vie il est possible de créer des cycles vitaux essentiels et des écosystèmes
auto-suffisants. C’est le cas dans les oasis comme ici à Erfoud, dans le Tafilalet, au Maroc.
© J.D Dallet/Suds-Concepts
Sauvegarder les oasis
52 - Développement Durable en Afrique & Satellites