Développement durable en Afrique & Satellites - page 62

que nous connaissons dans cette région du
Burkina se situe entre 800 et 1200 mm d’eau
dans la saison d’hivernage, de juin à
octobre, elle a dépassé les 1600 mm en 2008,
en 2009 et encore en 2010. La température
pendant la saison sèche dépasse maintenant
souvent les 45° à l’ombre ! Mais plus de préci-
pitation ne veut pas dire que la saison des
pluies s’est allongée, ce sont les pluies qui
sont de plus en plus intenses. L’année
dernière entre le 15 août et le 15 septembre il
est tombé 400 à 500 mm d’eau, ce qui aupara-
vant représentait le cumul de juin à août.
Quel est l’impact le plus visible, et le
plus concret de ce changement pour les
populations ?
Notre habitat traditionnel est menacé !
L’habitat Kassena est entièrement en banco
(brique de terre sèche), même les toits sont
maçonnés en terre, ils sont très lourds, et ils
peuvent s’écrouler brutalement lorsque la
pluie devient trop forte. Moi qui vous parle,
chaque année je dois reconstruire ma case,
et, l’année dernière, j’ai bien failli mourir
écrasé avec ma famille. Dans mon village
les habitants essayent de conjuguer habitat
Tradition et modernité
Avec l’augmentation des épisodes de pluies intenses et la surexploitation des sols, l’architecture traditionnelle (ici dans la région de Houndé au Burkina Faso),
de plus en plus coûteuse en entretien, est délaissée au profit du béton et de la tôle ondulée, beaucoup moins adaptés aux fortes chaleurs de la saison sèche.
© Stéphan Dugast/IRD
Fidel, quel a été l’événement déclencheur
de votre engagement ?
Le premier déclic, c’était en 1985 ; le
9 novembre, il a plu . Nous n’avions jamais vu
ça en novembre, chez nous la saison des
pluies s’arrête au plus tard le 15 octobre. Et
puis, en janvier de l’année suivante, deuxième
déclic: pendant plusieurs jours, une pous-
sière rougeâtre, opaque, s’est répandue au-
dessus du pays, voilant presque totalement le
soleil. A l’époque, nous avions attribué ce
phénomène au passage du rallye Paris
Dakar ! C’est seulement maintenant que
nous pouvons comprendre ce qui était en
train de se préparer.
Nous aurions pu voir venir le change-
ment climatique, mais nous avons continué
d’abattre nos arbres comme si de rien n’était,
et le désert continuait d’avancer, et brutalement,
depuis 3 ans, beaucoup plus de chaleur, beau-
coup plus de pluie. Alors que la pluviométrie
Kassena et habitat Mossi, dont les toits sont
en chaume, mais c’est difficile car dans
notre culture, les maisons en toit de chaume
sont réservés aux célibataires. Ce n’est pas
très glorieux pour un père de famille…
Lasolutionserait deconstruireenparpaing.
Mais c’est bien trop cher pour un paysan
burkinabé : la terre pour construire est gra-
tuite, alors que le ciment pour les parpaings
d’une maison représente des mois et même
des années de revenu pour un agriculteur !
Et ce ne sont pas les pluies diluviennes qui
vont améliorer son sort, bien au contraire.
Parce qu’il faut comprendre que notre
agriculture est en sursis. Avant ma retraite,
j’étais encadreur, mon métier était d’accom-
pagner les producteurs dans l’utilisation de
techniques agricoles modernes. En 1976 les
rendements dans la région atteignaient 800 à
1200 Kg par hectare, toutes céréales confon-
dues, avec une dose normale d’engrais.
Aujourd’hui, leur utilisation a beaucoup aug-
menté, souvent doublée d’un apport en fumier
organique, mais nous n’arrivons toujours pas
à dépasser les 1200Kg à l’hectare. Je ne sais
pas vraiment l’expliquer, mais ce que je peux
vous dire, c’est qu’un champ noyé dans
Fidel Yogo Adiguipiou, ancien
conseiller agricole au développement
durable, consacre une partie de sa
retraite à l’étude du changement
climatique dans son pays,
le Burkina Faso.
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