Le coton est la principale source de devises pour des pays comme
le Mali et le Burkina Faso, premiers producteurs après l’Égypte.
Ici, près de Ouagadougou.
© Joerg Boethling/agenda
Les scientifiques utilisent des cartes pour expliquer l’état des terres agricoles autour
de Kebila dans la région de Sikasso, au sud du Mali.
© Mamy Soumaré
E
n Afrique soudano-sahélienne, l’aug-
mentation de la production agricole
s’obtient essentiellement par une
extension des surfaces cultivées. Or, avec la
croissance démographique (3% par an) et un
doublement de la population tous les 20 ans,
on est en droit de se demander si les res-
sources en terres seront en mesure de
répondre aux besoins alimentaires de toute
la population.
La culture du coton s’est développée au
Mali, comme dans les pays de l’Afrique de
l’ouest, ce qui a produit une véritable révo-
lution agricole. Les surfaces cultivées sont
passées de 60 000 à 600 000 hectares, la
production de 40 000 à 600 000 tonnes et le
nombre de bœufs de labour de 100 000 à
600 000 en 30 ans. Grâce à ce bond qualitatif
les paysans ont pu créér un nouveau
système d’exploitation des terres agricoles.
On assiste à l’abandon progressif de la
jachère et la durée de culture des champs
sans interruption augmente. On a pu le véri-
fier en combinant l’image satellite, les
cartes fournies par les acteurs concernés et
la position géographique des champs de 15
agriculteurs choisis en fonction de la diver-
sité de leus pratiques. Tous les champs
cultivés en 1985 le sont encore alors que,
dans l’ancien système, la période de culture
dépassait rarement 5 ans. Grâce aux photos
aériennes et à l’imagerie satellite on peut
non seulement reconstituer l’historique de
cette occupation de l’espace mais aussi pré-
senter la situation actuelle. À partir d’une
simple composition colorée sur les canaux
vert, bleu et rouge les agriculteurs identifient
les grands domaines : culture et jachère. Ce
travail pilote va se poursuivre sur les trois
prochaines années dans le cadre du
Programme d’Appui aux Systèmes d’Exploi-
tation en Zone Cotonnières du Mali (PASE2)
sous la maîtrise d’ouvrage de la Chambre
d’Agriculture avec l’appui de l’Agence Fran-
çaise pour le Développement (AFD).
Un choix plus durable ?
La suppression de la jachère réduit la
fréquence des défrichages et les brûlis.
L’arrêt des feux de brousse, qui constituent
la première source d’émission de CO
2
dans
l’agriculture africaine contribue à l’équilibre
du bilan carbone. Avec le transfert de ma-
tière, la fertilité des sols cultivés augmente
alors qu’en alternant culture et jachère elle
baisse. La viabilité d’un tel système dépend
de la présence d’un cheptel bovin suffisant
pour réaliser les transferts de fertilité mais
aussi d’un saltus pouvant assurer l’alimen-
tation des animaux. Pour assurer la durabi-
lité du système, les agriculteurs doivent
améliorer la productivité du saltus, ce qui
reste problématique dans les zones à forte
densité de population comme le vieux bas-
sin cotonnier du Mali.
L’association des acteurs à l’élaboration
des cartes permet de confronter le point de
vue du technicien et celui de l’acteur. Les
contraintes sont certes nombreuses : les lan-
gages sont différents et ces acteurs ont ten-
dance à s’autocensurer et à aligner leur point
de vue sur celui de la pensée dominante,
celle des slogans des politiques et de cer-
tains organismes de développement. Mais
les connaissances ainsi coproduites aident
l’utilisateur dans son action et enrichissent
aussi l’analyse du chercheur.
Le technicien doit faire preuve de tact et
de pédagogie. Ainsi, lors du diagnostic par-
ticipatif, les acteurs ont identifié le manque
de terres cultivables comme difficulté
majeure dans un contexte où le rapport
entre espace cultivé et non cultivé est de
1/3 voire 1/5 et que les champs sont encore
extensibles. Comment leur faire com-
prendre que cette contrainte n’est pas va-
lable dans leur contexte ? Cela est
d’autant plus délicat qu’ici la parole revêt
une forte signification et surtout que le res-
pect du jeune envers le plus âgé est une
obligation quasi religieuse.
Avec de nouvelles images SPOT5 de
2007, les données seront actualisées sur cinq
sites au Mali. Sur la base des évolutions
constatées, on pourra faire des prévisions
et élaborer de nouvelles mesures de ges-
tion de l’espace. Grâce à cette étude, des
plans de gestion intégrant des flux de
biomasse entre différentes entités, des
assolements groupés seront expérimentés
à travers une concertation réussie entre
tous les acteurs.
c
Dr Mamy Soumaré
Université de Bamako
Mali
L’évolution des méthodes agricoles
Sols - 65