Développement durable en Afrique & Satellites - page 76

Il faut deux jours pour réaliser ces
tableaux de papillons et trois pour les plus
compliqués. Construire des bâtiments
d’élevage contribuerait à pérenniser cet
artisanat.
© Philippe Annoyer
dieubéni omonoma, artiste-peintre de
papillons.
S
itué en République centrafricaine (RCA),
à environ 500 km de Bangui, la Réserve
Spéciale de Forêt Dense de Dzanga
Sangha abrite des milliers d’espèces : mam-
mifères (éléphants, gorilles, bongos…), oiseaux
tropicaux (touracos, perroquets, calaos…) et
insectes. C’est le pays des Pygmées, qui vivent
dans la forêt primaire.
On y rencontre également de nombreux
papillonsmulticolores dont les ailes servent à
créer des tableaux. Un artisanat arrivé en
RCA en 1965 et qui serait né auMexique. L’ex-
pédition scientifique Sangha qui travaille sur
la biodiversité dans le parc Dzanga-Ndoki a
rencontré l’artiste Dieubéni Omonoma.
Quand et comment avez-vous commencé
à réaliser ces tableaux ?
Cela fait 20 ans que j’attrape des pa-
pillons. J’ai commencé avec un filet puis j’ai
appris les techniques de piégeage, avec
l’aide de mon père qui m’a acheté mon pre-
mier filet. C’était un artiste reconnu en Cen-
trafrique, surnommé Pompidou. Quand j’ai
commencé, nous étions 24 chasseurs mais
aujourd’hui nous ne sommes plus que 12.
Small is beautiful
Le Parc National de Dzangha-Ndoki offre une zone
d’étude scientifique unique et exceptionnelle en
raison de son état vierge et de son emplacement
au cœur de la forêt pluviale du bassin du Congo.
© Philippe Annoyer
Aujourd’hui, les collectes se pra-
tiquent surtout dans la région de l’Ombéla-
Mpoko, dans la Lobaye, en Haute Sangha et
dans la Basse Kotto. Il faut deux jours pour
réaliser les tableaux simples et trois pour
les plus compliqués.
Comment analysez-vous l’impact sur
l’environnement dans les endroits servant
à la collecte des papillons ?
Les insectes sont à protéger aumême titre
que les éléphants et les gorilles. Aux yeux des
habitants des autres pays dumonde, ils consti-
tuent une véritable richesse de la République
centrafricaine. Or il n’y a aucune loi règlemen-
tant la création de tableaux en ailes de pa-
pillons. En 1987 un Allemand en a proposée
une pour faire cesser cet artisanat, mais elle
n’a pas abouti. Ce n’est pas la bonne solution.
Cet artisanat doit continuer à exister. En régu-
lant les prélèvements, on peut concilier son
maintien et le respect de la biodiversité. C’est
une richesse pour nous et pour nos enfants.
Nous abordons souvent ce sujet et nous
pouvons dresser un bilan de santé de la
biodiversité dans les régions où nous chas-
sons les papillons. Plusieurs sites se sont
appauvris en espèces mais nous ne savons
pas si c’est réellement nous qui en sommes
la cause. L’exploitation forestière, la coupe
des arbres et arbustes pour le bois de
chauffage, la sédentarisation des hommes
et les différents impacts qui y sont liés sont
certainement plus destructeurs que nous.
Pensez-vous que l’on pourrait concilier
la pérennisation de cet artisanat et la
préservation des papillons dans leur
milieu naturel ?
Nous avons des idées. La création d’une
ou de plusieurs serres d’élevage nous
permettrait par exemple de disposer de
beaucoup plus d’ailes pour réaliser nos
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