Développement durable en Afrique & Satellites - page 96

Risques et sociétés
Pour faire face aux risques, nous faisons appel à
la fois aux savoirs traditionnels, aux pratiques
culturelles et aux technologies. Les populations
victimes d’inondations construisent des murets
avec des sacs de sable et des pierres ou se
déplacent versdes terrainsplusélevéspour limiter
les dégâts. En cas de sécheresse ou d’invasions
de criquets, elles puisent dans leurs réserves
alimentaires ou vendent leur bétail. Voilà
pourquoi les peuples pasteurs consituent
d’immenses cheptels.
Chaque fois qu’une catastrophe naturelle
se produit, les communautés se rassemblent,
prient dans les églises et les mosquées. Cer-
tains ont recours à la sorcellerie et offrent
des animaux en sacrifice. Efficace ou non,
cela fait partie de la culture. La société afri-
caine évolue mais elle ne peut abandonner
ces pratiques du jour au lendemain.
Globalement, le pourcentage des jeunes
augmente et ils sont très souvent sans emploi.
En raison des transformations de la société, les
anciens ont perdu toute autorité. Par ailleurs,
dans les régions isolées, certaines communautés
­– principalement des éleveurs ­– se sentent tota-
lement tenues à l’écart de l’économie nationale.
Auparavant, pour montrer leur force, les pas-
teursqui souhaitaient prendredes femmes d’une
autre tribu pratiquaient le vol de bétail. Pour cela,
il fallait obtenir l’accord des anciens, sous peine
d’être exclus de la communauté. Aujourd’hui, le
vol de bétail est devenu une entreprise organisée :
on estime que près de 30 000 bovins ont été volés
en Afrique de l’Est en 2011.
Point positif, la protection de la faune sauvage
s’est améliorée. Tuer un éléphant ou un lion
était auparavant un signe de force, de dignité
et de courage. Regardez ma boucle d’oreille :
elle a appartenu à mon père et témoignait
de sa bravoure pour avoir tué un lion. Ils
étaient nombreux à l’époque. Mais notre faune
sauvage est une ressource en très fort déclin,
et aujourd’hui nous protégeons nos lions et
nos éléphants en surveillant par satellite leurs
déplacements et leur nombre.
c
D.B.
litique et d’une stratégie au niveau continen-
tal avec des pays qui développent des stra-
tégies nationales, en adaptant la stratégie
continentale aux spécificités régionales.
Un des domaines où les organismes de
gestion des risques liés aux catastrophes
échouent est celui de l’accès aux données/
informations. Mais lorsqu’elles sont dispo-
nibles et utilisées correctement, cela renforce
leur efficacité. Le défi réside donc dans un
accès plus facile. Dans certains cas, elles sont
disponibles gratuitement, comme celles de
Météosat, distribuées en Afrique. Cependant,
elles sont de faible résolution et, pour les com-
pléter, il faut acquérir de l’imagerie haute ré-
solution qui reste encore très chère. Néan-
moins, nous pouvons déjà faire beaucoup avec
ce dont nous disposons.
La mise en œuvre au niveau national,
notamment dans les secteurs de l’environ-
nement et de l’agriculture, reste difficile.
Cela s’explique par la difficulté d’accéder
aux données et informations satellitaires :
les stations terrestres de réception sont en
effet situées dans les Services météorolo-
giques qui ne sont pas connectés en réseau
avec les autres organismes.
Le besoin d’experts qualifiés
Les liens entre les organismes sont insuf-
fisants. La question centrale est "Qui devrait
utiliser les données et informations satelli-
taires ? " Au niveau national on pourrait parfois
trouver les capacités nécessaires mais à celui
d’une région, c’est différent. Nous devons
fonctionner en réseau et améliorer les capaci-
tés dans ce domaine via la formation. Nous
avons certes formé un certain nombre
d’experts, au travers du projet PUMA puis du
Dissection de moustiques anophèles réalisée dans le village de Maga, au nord du Cameroun, à l’aide
d’un microscope binoculaire portatif.
© Carlo Costantini/Indigo/IRD
Karamoja, Ouganda. Un commandant de police
explique l’action de l' Unité anti vol de bétail (ASTU).
© Khristopher Carlson/IRIN
programme AMESD, mais nous manquons
toujours d’experts qualifiés. En partie du fait
qu’une fois qualifiés, ils se tournent vers de
meilleures opportunités de travail. Le turnover
de cadres reste élevé, ce qui a des consé-
quences sur le projet ou le secteur. La solution
consiste à former encore plus d’experts. La
question du financement est également une
contrainte. Quels que soient les projets, ils ne
sont pasmis en place comme nous l’espérons,
faute de ressources et de capacité.
Soutenir les initiatives
Les catastrophes mettent le développement
en péril. Nous devons allouer des fonds de
réserve pour les situations d’urgence et les
secours. Et plutôt que de concentrer nos
efforts financiers sur le seul développement
durable, nous devons soutenir les initiatives
susceptibles de réduire les risques de catas-
trophes et leurs conséquences. Nous man-
quons par exemple de budgets pour acheter
des équipements, et dans les cas où nous
obtenons des aides de l’extérieur, à la fin du
projet ces équipements deviennent tout
simplement obsolètes. C’est un cercle très
vicieux. Mais si nous avons la volonté de réa-
liser les objectifs du développement durable
et de participer aux systèmes mondiaux de
surveillance de l’environnement, notamment
ceux basés sur les technologies satellitaires,
il est impératif d’entretenir les infrastructures
mises en place avec l’aide internationale,
notamment celle du programme AMESD.
c
Dr Debalkew Berhe
IGAD (Intergovernmental
Authority on Development)
Djibouti, République de Djibouti
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